11. Chaînes d'approvisionnement mondiales

Développement durable

Travail décent

Economie Social Environnement Emploi Protection Droits Dialogue
Cibles ODD pertinentes
8.a, 9.3, 9.5, 9.b, 16.3, 17.11
Résultats stratégiques pertinents
2, 4, 5, 6, 7, 8, 10

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Les chaînes d'approvisionnement mondiales sont devenues une manière courante d’organiser les investissements, la production et le commerce dans l’économie internationale. Dans beaucoup de pays, en particulier dans les pays en développement, elles ont créé des emplois à l’appui du développement économique et social. Mais il apparaît toutefois aussi que la dynamique des relations de la production et de l’emploi au sein de l’économie mondiale et dans certaines chaînes de valeurs peut avoir des implications négatives pour les conditions de travail décent.

Les chaînes d'approvisionnement mondiales sont des structures organisationnelles complexes, diverses, fragmentées, dynamiques et en perpétuelle évolution. Il existe une large palette de noms pour les décrire, comme les réseaux de production mondiaux et les chaînes de valeur mondiales. Ces différentes expressions mettent toutes l’accent sur les mêmes aspects fondamentaux que sont la production et le commerce transfrontaliers, mais avec des perspectives légèrement différentes. Nous les utiliserons comme des synonymes aux fins du présent rapport.

Dans le présent guide, le terme «chaîne d’approvisionnement mondiale» s’entend de l’organisation transfrontalière des activités nécessaires pour produire des biens ou fournir des services, depuis l’utilisation d’intrants jusqu’à la commercialisation en passant par différentes phases de conception, de fabrication et de livraison. Cette définition englobe l’investissement direct étranger (IDE) réalisé par des entreprises multinationales dans les filiales qu’elles détiennent à 100 pour cent ou dans des coentreprises dans lesquelles elles sont directement parties à la relation de travail. Elle recouvre également un modèle d’approvisionnement international qui tend à se généraliser aujourd’hui et en vertu duquel la participation des entreprises donneuses d’ordre est définie par des arrangements contractuels, ou parfois des accords tacites, conclus avec leurs fournisseurs et sous-traitants aux fins de la fourniture de biens, d’intrants et de services (44).

L’OIT travaille sur le sujet des interconnexions socio-économiques depuis sa fondation, comme l’énonce le préambule de sa Constitution : « Attendu que la non-adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleuses et travailleurs dans leurs propres pays ». De nombreux instruments de l’OIT adoptés depuis 1919 traitent des chaînes d'approvisionnement mondiales, principalement la Déclaration sur les EMN. Le sujet a encore gagné en importance en 2002, lorsque l’OIT a instauré la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, qui a publié en 2004 son rapport révolutionnaire intitulé « Une mondialisation juste » (35). Celui-ci fait observer que « l’émergence de systèmes de production mondiaux qui ont fait circuler des flux croissants d’IDE a créé de nouvelles opportunités en matière de croissance et d’industrialisation dans les pays en développement. Quelque 65 000 entreprises multinationales, auxquelles approximativement 850 000 sociétés étrangères sont affiliées, sont les acteurs clés de ces systèmes. Elles coordonnent les chaînes d’approvisionnement mondiales qui relient les entreprises des différents pays, incluant même des sous-traitants locaux qui travaillent hors du système de production formel et externalisent vers des travailleurs à domicile » (par. 159) et note « une caractéristique notable de la croissance de ces systèmes de production mondiaux est qu’elle a eu lieu sans que se soient développées en parallèle des règles multilatérales pour en gouverner l’élément central : les IDE » (par. 162). En octobre 2013, le Conseil d'administration de l’OIT décida d’inscrire à l’ordre du jour de la Conférence internationale du Travail de 2016 une discussion générale sur le travail décent dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Cette décision était motivée par des inquiétudes comme quoi la dynamique de production et les relations d’emplois dans certaines chaînes d'approvisionnement mondiales pourraient avoir des conséquences négatives sur les conditions de travail, comme l’ont démontré l’effondrement du bâtiment du Rana Plaza, en 2013, et les incendies d’usines au Pakistan et au Bangladesh en 2012. Les conclusions concernant le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, adoptées par la 105e CIT, fournissent des orientations sur la manière dont le Bureau devrait poursuivre l’objectif mentionné dans le titre (45). Le paragraphe 23 (résumé ci-après) demande à l’OIT de :
  • Promouvoir la ratification et la mise en œuvre des normes de l’OIT traitant du travail décent dans les chaînes d'approvisionnement mondiales;
  • Renforcer les capacités et fournir l’assistance technique aux Etats membres sur l’administration du travail et les systèmes d’inspection;
  • Promouvoir un dialogue social national et transnational efficace, dans le respect par conséquent de l’autonomie des partenaires sociaux;
  • Evaluer l’impact et l’extensibilité des programmes de coopération pour le développement, tels que Better Work et SCORE et élaborer des approches sectorielles et d’autres approches en vue de relever les défis en matière de travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales;
  • Montrer la voie à suivre et mettre à profit le pouvoir fédérateur et la valeur ajoutée unique de l’OIT pour induire la cohérence des politiques entre tous les processus et initiatives à caractère multilatéral ayant trait au travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales;
  • Renforcer sa capacité de donner des orientations aux entreprises sur l’application des normes du travail dans leurs chaînes d’approvisionnement et mettre à leur disposition des informations sur les situations et les législations des pays, y compris sur l’exercice de la diligence raisonnable en matière de droits des travailleurs conformément aux cadres internationaux existants;
  • Envisager d’adopter un plan d’action afin de promouvoir le travail décent et une protection des principes et droits fondamentaux au travail pour les travailleurs des zones franches d’exportation (ZFE);
  • Faire preuve d’initiative en produisant et en rendant accessibles des données fiables sur le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, en coopération avec toutes les organisations et instances compétentes;
  • Effectuer de plus amples recherches et analyses pour mieux comprendre le fonctionnement concret des chaînes d’approvisionnement, leurs différences d’une branche d’activité à l’autre et leur impact sur le travail décent et les droits fondamentaux.
Les chaînes d'approvisionnement mondiales sont un sujet à la fois de grand intérêt et de préoccupation pour les bureaux du BIT partout dans le monde. Beaucoup de ces chaînes de valeur ont leur origine dans des pays en développement et leurs marchés dans des nations industrialisées, et traversent ou impliquent de nombreux autres pays dans la chaîne mondiale qui s’étend de la production à la consommation.

Relation ATD-ODD

Le Programme 2030 ne se réfère pas aux chaînes d'approvisionnement mondiales, mais mentionne à son paragraphe 63 que « les actions de développement menées à l’échelon national doivent être soutenues par un environnement économique international porteur et notamment par des échanges internationaux, des systèmes monétaires et financiers et une gouvernance économique mondiale renforcée, fonctionnant en synergie et de manière cohérente ». Il est possible d’accroître la contribution des chaînes d'approvisionnement mondiales à une croissance juste et inclusive par une plus forte cohérence entre les objectifs économiques et le travail décent.

Plusieurs cibles des ODD abordent des aspects d’échanges internationaux, dont la 8.a (Aide pour le commerce aux pays en développement), la 9.3 (intégration des PME dans les chaînes de valeur mondiales), la 16.3 (état de droit dans l’ordre international) et la 17.11 (accroître nettement les exportations des pays en développement). En outre, beaucoup de cibles ODD énumérées à d’autres chapitres de cet ouvrage sont pertinentes pour les chaînes d'approvisionnement mondiales: conditions de travail, normes du travail, migration de main-d'œuvre, santé et sécurité au travail, pour n’en citer que quelques-unes.

Comme nous l’avons déjà mentionné, garantir le respect des droits du travail, des conditions de travail acceptables et des relations professionnelles harmonieuses tout au long des chaînes d'approvisionnement mondiales est une préoccupation majeure de l’OIT depuis sa création. Le sujet du travail décent dans les chaînes d'approvisionnement mondiales ne fait pas l’objet d’un résultat stratégique spécifique, mais en concerne plusieurs, dont notamment le Résultat 2 (normes du travail), le Résultat 4 (entreprises), le Résultat 6 (économie informelle), le Résultat 7 (conformité des lieux), le Résultat 8 (formes inacceptables de travail) et le Résultat 10 (travailleurs et employeurs). La question du dialogue social s’agissant des systèmes de production transfrontaliers revêt une importance particulière pour les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Eléments transversaux pour l’élaboration des politiques

L’application des normes du travail dans les chaînes d'approvisionnement mondiales est, à la fois, une préoccupation et un moyen d’action primordial du travail de l’Organisation pour garantir que les principes de travail décent sont observés le long de ces chaînes. Il est important de renforcer les capacités à l’appui de relations de travail harmonieuses et de garantir une reconnaissance effective du droit à la négociation collective afin que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations puissent jouer un rôle en assurant la conformité et le travail décent. De même, de nouvelles formes de dialogue social transfrontalier peuvent être un moyen important d’impliquer les gouvernements, les travailleurs et les employeurs de différents pays, y compris les multinationales, afin de renforcer la gouvernance dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Les questions d’égalité entre hommes et femmes sont très importantes pour les chaînes d'approvisionnement mondiales; par exemple, les femmes constituent la majorité des travailleurs dans certains segments des chaînes de la confection, l’horticulture, la téléphonie mobile et le tourisme. Elles tendent cependant à être plus concentrées que les hommes dans des formes d’emplois à faible rémunération ou subalternes, et dans un plus petit nombre de secteurs (44).

Enfin, les chaînes d'approvisionnement mondiales doivent et peuvent jouer un rôle déterminant pour garantir des modèles de production et de consommation durables (ODD 12), souvent induits par les exigences de consommateurs et de multinationales responsables.

Partenariats

Les conclusions de la Conférence internationale du Travail susmentionnées (45) invitent le Bureau à établir, entretenir et renforcer les partenariats avec « des organisations internationales et des forums tels que les institutions des Nations Unies, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le G7 et le G20, et les institutions commerciales et financières internationales, et tenir compte des cadres internationaux comme les Principes directeurs des Nations Unies ainsi que d’autres instruments de référence comme les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales ». Le Pacte mondial des Nations Unies qui intègre plusieurs conventions fondamentales de l’OIT, constitue un partenaire important pour le travail de l’OIT sur les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Capacités de l’OIT

Le Bureau n’a pas une unité consacrée spécifiquement aux chaînes d'approvisionnement mondiales, mais de nombreux services techniques, tels que ENTERPRISES, WORKQUALITY, NORMES et GOVERNANCE apportent leur concours à cette thématique. Le Département des politiques sectorielles (SECTOR) du BIT analyse les chaînes d'approvisionnement mondiales d’un point de vue sectoriel31, en mettant l’accent sur le dialogue social. SECTOR a dirigé la préparation de la discussion générale de la Conférence internationale du Travail sur les chaînes d'approvisionnement mondiales.

L’unité MULTI du Département des entreprises contribue au travail décent dans les chaînes d'approvisionnement mondiales par la promotion de la Déclaration sur les EMN. Le même Département conduit également des travaux sur les filières d’approvisionnement, qui favorisent l’inclusion de PME dans les chaînes d'approvisionnement mondiales (comme le préconise la cible 9.3 des ODD). Le Département des partenariats PARDEV du BIT est chargé de la conclusion de partenariats public-privé, dont beaucoup visent à améliorer les conditions de travail dans certaines chaînes d'approvisionnement mondiales. Plusieurs projets de coopération au développement de l’OIT poursuivent le même objectif, et notamment les programmes Better Work et SCORE, ainsi qu’un certain nombre de projets mis en œuvre dans le domaine des conditions de travail.

Ressources

Une compilation d’études et de rapports sur le travail décent dans les chaînes d'approvisionnement mondiales est disponible sur le portail de la Commission sur le travail décent dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. D’autres ressources figurent également sous la thématique des filières d’approvisionnement, et sur la page web du programme de l’OIT sur les entreprises multinationales.


35. Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation. Une mondialisation juste: créer des opportunités pour tous. Genève: BIT, 2004.

44. OIT. Le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Rapport IV à la 105e CIT. Genève: BIT, 2016.

45. CIT. Résolution concernant le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Genève: BIT, 2016.

31 - Une liste des secteurs couverts est disponible ici.