La société coopérative des récupérateurs de déchets Mbeubeuss-Bokk Diom est établi

Le 10 décembre 2021 était une journée historique pour les récupérateurs de déchets de la décharge de Mbeubeuss, car elle marquait la naissance de la «Société coopérative des récupérateurs de déchets de Mbeubeuss-Bokk Diom. »

Actualité | 15 décembre 2021
Cette initiative a vu le jour grâce à l’appui technique du Bureau international du Travail (BIT), dans le cadre du projet de promotion de l’entrepreneuriat formel et innovant (PROMEFI) et sur financement du Gouvernement italien, à travers l’agence italienne de coopération au développement (AICS).

En août 2019, les membres de l’association des récupérateurs-trices de déchets « BOKK DIOM » avaient manifesté leur souhait de s’organiser autour d’une coopérative pour mieux défendre leur intérêt et améliorer leurs revenus et conditions de travail. À présent, les choses deviennent concrètes. La société coopérative d’intérêt collectif est officiellement créée et chacun peut acquérir une ou plusieurs parts sociales.

Cérémonie officielle d’ouverture de l’assemblée générale constitutive par le Maire du lieu de siège de la coopérative
Les récupérateurs-trices de déchets au Sénégal

Comme beaucoup d’autres pays, le Sénégal souffre d'un déficit chronique d'accès aux services de gestion des déchets. Le Sénégal produit plus de 2,4 millions de tonnes de déchets solides par an, dont 1,08 million de tonnes ne sont pas collectées. Les déchets solides au Sénégal comprennent principalement du sable, de la terre et des matières organiques, ce qui rend leur gestion coûteuse.

La population urbaine pauvre des villes du Sénégal souffre de manière disproportionnée des problèmes liés à la faible gestion des déchets solides : pollution de l’air, des eaux environnantes, etc. Par ailleurs, les ramasseurs de déchets sont principalement des femmes et des hommes à faible revenu qui migrent des zones rurales, afin de collecter, trier et vendre les déchets des rues ou des décharges, travaillant dans des conditions non protégées et à risques croissants pour leur santé.

Assemblée des membres de la société coopérative des récupérateurs-trices de déchets
Le potentiel coopératif pour les récupérateurs-trices de déchets

En s’organisant sous la forme coopérative, les récupérateurs-trices de déchets peuvent accéder à une formalisation économique et à l'inclusion sociale. Ils-elles peuvent ainsi bénéficier d’avantages tels que l'accès aux marchés, la sécurité et la santé au travail, la protection sociale et un revenu stable.

Le travail de l’OIT sur la formalisation des ramasseurs de déchets


En 2015, la Conférence internationale du Travail a adopté la Recommandation concernant la transition de l'économie informelle à l'économie formelle (n°204), qui souligne le rôle des entreprises coopératives comme l'un des moyens de formaliser les travailleurs de l'économie informelle. En 2014, le Bureau international du Travail (BIT) a publié un rapport sur le potentiel des coopératives dans la gestion des déchets électroniques, en examinant les opportunités que les entreprises coopératives pourraient offrir dans le recyclage des déchets électroniques. Le rapport a noté que l'organisation des travailleurs dans le secteur des déchets par le biais de coopératives ou d'autres formes ou organisations économiques, apportera des améliorations dans les conditions de travail des travailleurs.

Souscription de parts sociales par un groupe de récupérateurs-trices lors de l’AGC
Dans ce contexte, le BIT a noué un partenariat avec WIEGO (Femmes dans l’Emploi Informel : Globalisation et Organisation) afin d’explorer les possibilités d’organisation des récupérateurs-trices de déchets informels (notamment de Mbeubeuss) en coopérative pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Du 21 au 22 août 2019, les deux organisations ont co-organisé un atelier réunissant les principales institutions nationales impliquées dans la gestion des déchets, notamment le ministère de l'Environnement et du Développement durable, le Programme national de gestion des déchets et le président de l’association Bokk Diom des récupérateurs et récupératrices informels de déchets au Sénégal.

Durant cet atelier réalisé dans le cadre du Partenariat pour l’action en faveur d’une économie verte (PAGE), les participants, en majorité récupérateurs-trices et représentant(e)s de structures d’appui, ont semblé converger autour de l'idée selon laquelle une approche coopérative pourrait être adaptée aux besoins et aux aspirations des ramasseurs de déchets.

Dans le cadre des activités d’appui à la création de coopératives formées par des récupérateurs et récupératrices, il fût également décidé d’analyser le secteur de gestion des déchets à travers une approche de type « systèmes de marché » afin de mieux appréhender les opportunités et les possibles défis liés à l’organisation des récupérateurs-trices de Mbeubeuss. Les résultats de ces études ont montré que la forme coopérative était la plus appropriée. Parallèlement à la réalisation de l’analyse du marché des déchets, une évaluation rapide des potentialités d’une approche coopérative dans la gestion des déchets au Sénégal fut entreprise sous la forme d’une étude de faisabilité d’une société coopérative de récupérateurs-trices. Cette étude confirme les opportunités réelles, économiques et sociales, pour la création d’une telle coopérative pour l’amélioration des conditions de travail des récupérateurs-trices et la formalisation de leurs activités à travers une analyse technique, organisationnelle et financière.

La contribution du PROMEFI dans la formalisation des récupérateurs-trices de déchets

En lien avec sa Recommandation (n°204) sur la transition de l’économie informelle version l’économie formelle, 2015, l'Organisation internationale du Travail (OIT) met en œuvre, sur financement du Gouvernement de l’Italie, le projet "Promotion de l’entrepreneuriat formel et innovant au Sénégal et en Gambie" (PROMEFI) qui vise à promouvoir le travail décent en faveur des jeunes des deux sexes par le développement des entreprises durables et la formalisation au Sénégal et en Gambie.

C’est dans cette optique que le BIT a accompagné les récupérateurs-trices de déchets de la décharge de Mbeubeuss à s’organiser en société coopérative, à améliorer leurs pratiques opérationnelles et leurs compétences techniques, et à bénéficier des régimes de protection sociale, avec une attention particulière à la création d’emplois décents.
La création de la coopérative a démarré avec une phase d’information et de sensibilisation basée par les outils du BIT tels que Think.COOP et Start.COOP.

Une nouvelle ère s’ouvre pour les récupérateurs-trices de déchets

Fort de ses 563 membres dont 233 de femmes à ce jour, la coopérative ouvre une nouvelle page dans la vie de ses membres. En effet, la formalisation des récupérateurs-trices, à travers la reconnaissance juridique, va permettre à ces derniers de mieux négocier les prix de leurs produits et de lever des fonds auprès des institutions financières.

Prochaines étapes

L’appui du BIT se poursuit, notamment dans la phase de mise en œuvre des activités de la société coopérative. Il est prévu au courant du mois de janvier 2022 l’organisation d’atelier de renforcement de capacités à l’endroit des dirigeants sur la technique d’organisation et de fonctionnement d’une entreprise coopérative. Des outils de gestion (cahier de caisse, cahier de banque, cahier de stock, cahier de gestion des équipements, etc.) seront également mis à leur disposition pour un meilleur suivi des activités de la coopérative. Enfin, en dehors des besoins en organisation et structuration ci-dessus, l’appui ira en direction de l’identification et l’analyse des besoins de la coopérative dans les différents maillons des filières choisies, notamment au niveau des maillons de la collecte, du tri, de la transformation et de la commercialisation des produits des déchets, et les besoins en équipements et matériels.