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Du travail décent pour la jeunesse d’Afrique

L’Afrique abrite la population la plus jeune au monde: les jeunes, hommes et femmes, représentent le meilleur espoir du continent de s’engager sur la voie du développement durable. Cependant, le taux de chômage des jeunes est le double de celui des adultes pour l’Afrique dans son ensemble – pour l’Afrique du Nord, il est même quatre fois plus élevé. Reportage de BIT en ligne depuis l’Egypte où l’OIT soutient un projet original qui aide les jeunes à trouver un emploi décent quand ils quittent l’école.

Article | 10 octobre 2011

BORG EL ARAB, Egypte (BIT en ligne) – Baher Mahmoud Hatem est enseignant à Borg el Arab, la ville qui accueille l’aéroport d’Alexandrie, la deuxième plus grande ville d’Egypte.

Baher nous décrit ce que le travail représentait pour lui avant qu’il ne participe à la formation de l’OIT: «J’allais au travail chaque jour. Nous donnions nos cours de manière systématique: ce que nous enseignions n’avait aucune importance, ce que voulaient les élèves non plus.»

Un jour, Baher et quelques-uns de ses collègues se sont vu proposer de participer à une formation de deux jours organisée par l’OIT en coopération avec le bureau du service public de l’emploi de Borg el Arab. Cette formation faisait partie d’un projet d’aide à la transition Ecole/Vie active grâce à l'orientation professionnelle pour les jeunes, financé par l'Italie.

La formation tournait autour du travail en équipe, du renforcement des capacités et de l’utilisation de l’orientation professionnelle pour l’emploi des jeunes. Au début, Baher n’était pas très intéressé mais, plus il écoutait, plus il prenait conscience du rôle important qu’il avait à jouer en tant que professeur auprès de ses élèves.

«J’ai réalisé quel rôle crucial un professeur pouvait jouer sur le cours d’une vie, ainsi que sa responsabilité envers la société. Le jour suivant, j’avais hâte d’en apprendre davantage, de savoir ce qu’est l’orientation professionnelle et quel serait mon rôle. Cela a vraiment fait une différence pour moi d’être capable d’aider les étudiants à choisir leur carrière, pour qu’ils soient satisfaits de leurs études et de leur métier par la suite», explique-t-il.

Finalement, Baher a rejoint l’équipe du projet et a participé à toutes les activités au cours de l’année. Il a même décidé de passer un Master afin d’acquérir davantage de connaissances et de pouvoir prodiguer un accompagnement d’encore meilleure qualité.

«Cela m’a permis d’organiser des activités d’orientation professionnelle pour les étudiants. J’ai également adopté cette approche à la maison, avec ma femme et mes enfants», dit-il.

90 pour cent des personnes sans emploi ont moins de 30 ans

«En Egypte, 90 pour cent des chômeurs ont moins de 30 ans. Le taux de chômage des jeunes est six fois supérieur à celui des adultes. Et les rares jeunes qui trouvent du travail sont moins bien lotis en termes de rémunération et de conditions de travail que les adultes», explique Dorothea Schmidt, spécialiste de l’emploi au bureau de l’OIT du Caire.

Mme Schmidt constate également «une inadéquation entre les attentes professionnelles des jeunes et les offres d’emploi disponibles sur le marché du travail, doublée d’un décalage entre les attentes des employeurs en termes de qualifications et celles que possèdent les diplômés de l’université et des centres de formation professionnelle ou d’établissements d’enseignement technique».

«L’incapacité à trouver un emploi décent en sortant de l’école peut avoir des effets prolongés sur le parcours professionnel et les revenus d’un individu tout au long de sa vie. Orienter les jeunes vers les bons choix professionnels et améliorer la transition entre l’école et le travail peuvent contribuer à surmonter les difficultés que rencontrent habituellement les jeunes, en particulier les jeunes femmes, en termes d’accès limité à des informations fiables sur le marché du travail, à des conseils et du soutien», explique Luca Azzoni, administrateur principal chargé des compétences et de l’employabilité au Bureau de l’OIT du Caire.

Moderniser les institutions du marché du travail d’Egypte

L’objectif du projet de l’OIT est donc de faciliter l’entrée des jeunes dans le monde du travail en modernisant les services d’emploi en Egypte. Le projet renforce les capacités des bureaux du service public de l’emploi afin d’offrir des conseils de placement et d’orientation professionnelle, en identifiant les besoins des employeurs et en ajustant l’offre à la demande. Pour soutenir ces bureaux dans leurs activités, le projet crée des liens avec les ministères, les institutions éducatives, les partenaires sociaux (employeurs, syndicats), les associations de jeunesse et la société civile.

La sélection des gouvernorats participant au projet a été opérée avec soin afin de couvrir les principaux segments de l’économie égyptienne: le Fayoum avec son potentiel agricole et touristique, Alexandrie et la Cité du 6 octobre pour leurs nouveaux sites industriels qui promettent d’absorber davantage de travailleurs, et Louxor et Assouan en tant que destinations privilégiées des touristes.

«L’accent mis sur les conseils d’orientation professionnelle est quelque chose de relativement nouveau en Egypte, et c’est le premier projet de l’OIT qui aborde cette question à l’échelon national. Les bureaux du service public de l’emploi installés sur les cinq sites du projet ont notamment pour objectif de dispenser une orientation professionnelle à un total de 12 000 jeunes gens et d’embaucher 9 000 jeunes gens aux qualifications variées dans diverses entreprises», explique M. Azzoni.

Ce projet est étroitement lié à la réalisation des objectifs inscrits dans le Plan-cadre des Nations Unies pour l’assistance au développement (PNUAD) pour 2007-2011; il soutient aussi la mise en œuvre de la feuille de route pour le redressement économique adoptée par l’OIT et le ministère de la Main-d’œuvre dans le sillage de la révolution du début 2011.

«Le gouvernement provisoire et plusieurs donateurs ont témoigné d’un grand intérêt pour cette approche et souhaitent étendre le projet à d’autres gouvernorats d’Egypte», raconte Nagwa Ismail, coordinatrice nationale du projet pour l’OIT. «Non seulement cette approche augmente les chances des jeunes de trouver du travail, mais elle leur permet aussi d’acquérir des compétences qui seront essentielles dans le processus de démocratisation postrévolutionnaire.»

Charles Dan, Directeur régional de l’OIT pour l’Afrique estime que ce projet pilote a de grandes chances d’être développé et dupliqué. «La promotion de l’emploi des jeunes est la principale priorité identifiée dans les Programmes par pays en faveur du travail décent en Afrique. Ce projet recèle en effet un grand potentiel d’expansion à l’échelle nationale. D’autres jeunes Egyptiens pourraient ainsi bénéficier d’orientation professionnelle et être mieux armés pour rejoindre le marché du travail», conclut-il.