Journée mondiale contre le travail des enfants: Derrière les portes closes: le travail domestique des enfants

Trop d'enfants employés à des travaux domestiques sont victimes d'exploitation. Lorsque les enfants nettoient, cuisinent, s'occupent des enfants de leur employeur ou sont occupés à des travaux ménagers pénibles, on les prive de leurs droits en tant qu'enfants, tels que reconnus par le droit international - le droit de jouer; le droit de rencontrer leur famille et des amis; le droit à un logement décent; enfin celui à une protection contre le harcèlement, sexuel ou physique, et contre la cruauté mentale.

Trop d'enfants employés à des travaux domestiques sont victimes d'exploitation. Lorsque les enfants nettoient, cuisinent, s'occupent des enfants de leur employeur ou sont occupés à des travaux ménagers pénibles, on les prive de leurs droits en tant qu'enfants, tels que reconnus par le droit international - le droit de jouer; le droit de rencontrer leur famille et des amis; le droit à un logement décent; enfin celui à une protection contre le harcèlement, sexuel ou physique, et contre la cruauté mentale.

Les enfants qui travaillent chez les particuliers n'ont pas accès à la protection à laquelle ils ont droit; à la différence des autres travailleurs, ils vivent derrière des portes closes où personne ne peut assister aux abus commis contre eux ou à l'oppression dont ils sont victimes.

Selon des recherches entreprises à l'échelle mondiale, les filles de moins de 16 ans sont plus nombreuses à être employées à des travaux domestiques qu'à toute autre forme de travail. Partout dans le monde, on commence de plus en plus à se préoccuper de cette forme d'exploitation des enfants.

Le 11 juin 2004, à l'occasion de la troisième Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants, l'OIT centre son action sur le travail domestique des enfants avec la parution à Genève d'un rapport inédit destiné à être diffusé dans le monde entier.

Ouvrons les yeux dans nos propres maisons. Les enfants employés à des travaux domestiques sont - avant tout - des enfants.

Quelques témoignages d'enfants travailleurs domestiques

Sénégal: Fatou Ndiaye est fière d'elle-même

Fatou a quitté Mombaye, son village natal, à 7 ans. Sa condition de fille de pauvres paysans l'a obligée à quitter très tôt sa famille pour venir gagner sa vie en ville.

Aujourd'hui, Fatou se souvient de ses débuts difficiles à Dakar: "Je suis venue à Dakar en 1991. J'étais toute petite. Je ne savais rien faire. Au village j'assurais la corvée d'eau et le ramassage du bois mort. Le travail est très différent de celui de la ville. Je gardais des bébés. Je touchais alors 2 000 francs (US $3.60) par mois. Parfois, je tombais sur des patronnes gentilles. D'autres, par contre, me battaient".

A 13 ans, Fatou savait laver, balayer, repasser comme une bonne ménagère. A 15 ans, son salaire mensuel est passé à 10 000 F (US $18). Employée de maison, elle travaille pour une patronne qu'elle juge gentille.

Avec son argent, elle subvient aux besoins de sa mère et de ses deux jeunes frères. Quelque fois, elle s'achète des vêtements. Et, une fois l'an, à l'occasion de la Tabaski, elle retourne au village, au milieu des siens.

Fatou fait aussi partie d'une association de filles qui travaillent comme elle.

Au sein de cette association de filles travailleuses de Khadimou Rassoul, dont elle occupait le poste de Secrétaire générale adjointe, elle a appris à s'organiser, à s'exprimer, à formuler des doléances et à connaître ses droits.

L'association, appuyée par l'organisation non gouvernementale ENDA Jeunesse Action, à travers l'Organisation internationale du Travail, forte de plus de 300 membres, compte à son actif une caisse mutuelle alimentée par les cotisations des membres. Ce fonds aide les femmes qui prennent de l'âge ou qui sont confrontées à des maternités à se reconvertir dans des activités génératrices de revenus (les employeurs préfèrent les jeunes filles sans enfant, jugées plus disponibles).

Toujours pour lutter contre la précarité de leurs conditions, elles ont leur caisse de santé, elles suivent des cours d'alphabétisation; ce qui leur permet, entre autres, de trouver un travail mieux rémunéré.

Réaliste, l'association procède par étape. "Nous avons travaillé, précise Fatou, toute l'année dernière sur quatre droits: le droit à apprendre un métier, à lire et à écrire, à s'organiser et le droit au respect", droit qui commence à être pris en compte. Selon Fatou, "les patrons n'osent plus nous faire certaines choses".

Autre fierté de Fatou: leur participation au défilé du 1er mai. "Cela avait surpris tout le monde. Les gens ne s'imaginaient pas qu'on puisse défendre nos droits, exprimer nos doléances en mimant notre quotidien, qu'on puisse accéder aux medias. Cette initiative était notre idée, et ENDA nous avait soutenues". Fatou a aussi été déléguée par ses camarades pour participer à des rencontres internationales pour partager l'expérience d'autres Enfants et Jeunes Travailleurs (EJT) d'Afrique de l'Ouest.

Et à Fatou de conclure avec un sourire: "Je suis fière de moi".

Philippines: Gloria, et la loi qui a changé sa vie

Gloria n'avait que 13 ans lorsqu'elle est devenue travailleuse domestique dans la ville de Pasig, aux Philippines. Ele voulait simplement épargner un peu d'argent pour aller à l'école secondaire lorsqu'elle rentrerait chez elle à la campagne. Cependant, elle a compris que ce serait impossible lorsque sa mère, Chedita, qui venait de se remarier, a commencé par confisquer 75 pour cent du salaire de sa fille.

Cinq mois plus tard, l'employeur de Gloria lui a ordonné de prendre soin de sa fille adulte et épileptique. Gloria, qui avait déjà beaucoup de mal à s'acquitter de toutes les autres tâches domestiques, n'a pas pu y rajouter les soins à la malade. Ses employeurs se sont mis à la fouetter, au motif qu'elle ne prenait pas bien soin de leur enfant.

Un jour, la femme épileptique est tombée et s'est blessée pendant une crise. Les coups de fouet se sont mis à pleuvoir encore plus dru sur Gloria. Paralysée par le sentiment de culpabilité et par la peur, la petite fille supportait les mauvais traitements en silence.

Cela a duré jusqu'au jour où sa mère a assisté, horrifiée, à une séance de flagellation dont sa fille était la victime. Chedita a supplié les employeurs de sa fille de la laisser aller, mais ils ont refusé. Et ils ont redoublé les mauvais traitements.

C'est alors que Chedita a pris connaissance du fait que les Philippines s'étaient dotées d'une loi interdisant l'exploitation et la maltraitance des enfants. Elle a pris contact avec des travailleurs sociaux et leur a expliqué le martyre de sa fille et, quelques jours plus tard, Gloria a pu quitter l'employeur qui la maltraitait et l'exploitait.

Avant 1992, année de l'adoption des premières lois sur la protection de l'enfance, une petite fille dans le cas de Gloria n'aurait probablement pas pu échapper aux mauvais traitements de son employeur. Cependant, grâce à des campagnes menées par des syndicats tels que la Fédération des travailleurs libres et des organisations non gouvernementales, les législations nationales s'améliorent progressivement, ainsi que les conditions de vie des enfants.

Chedita était trop pauvre pour prendre soin de sa fille, de sorte que Gloria a été placée dans un foyer dirigé par la Fondation Forum Visayan, une organisation soutenue par l'OIT, et qui s'occupe des enfants qui travaillent. Dans ce foyer, elle a trouvé refuge et conseils, et elle a pu porter plainte contre ses anciens employeurs.

Guatemala: La nouvelle vie de Santa

Santa Eva a été trouvée par la facilitatrice du programme d'action contre le travail domestique des enfants de l'association Proyecto Conrado de la Cruz à Guatemala, alors qu'elle n'avait que 12 ans. L'association Proyecto Conrado de la Cruz travaille de concert avec le Programme international de lutte contre le travail des enfants (IPEC), et vise à éliminer les pires formes de travail domestique auxquelles sont assujettis les enfants par des mesures d'interdiction ou d'intervention immédiate. Avant d'intégrer le programme d'action, Santa faisait toutes sortes de travaux. Elle a été employée dans une crèperie (tortillería), au conditionnement de légumes destinés à l'exportation ou encore en tant que domestique chez des particuliers. Au terme d'une longue et dure année de travail, sa santé a commencé à se détériorer.

Une fois intégrée au groupe, Santa a eu du mal à participer aux activités. Ce n'est que par le biais de discussions avec l'équipe de facilitatrices du programme d'action que l'on a pu connaître la raison de ce comportement. Santa souffrait de la séparation de ses parents et de sa famille. Quand sa mère s'est séparée de son père, elle a abandonné Santa et ses trois frères cadets pour se remarier quelque temps après et fonder une nouvelle famille. Santa s'est donc vue obligée de travailler chez des particuliers pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses frères.

Les facilitatrices et le groupe de filles auquel elle a été intégrée ont joué le rôle de conseillères. Avec elles, Santa a pu se libérer de la "torture" que lui infligeait la vue de sa mère qui vivait deux pâtés de maisons plus loin avec sa nouvelle famille alors qu'elle et ses frères avaient été abandonnés. Elle voit parfois sa mère au marché et se fait malmener lorsqu'elle tente de lui parler.

Le programme d'action a procuré un nouvel espace de vie à Santa. Elle a pu relativiser sa dure condition car, au cours des séances de socialisation passées à conter son histoire, elle s'est rendue compte que la majorité de ses compagnes avaient plus ou moins vécu des expériences analogues et que toutes devaient lutter pour s'en sortir.

"L'association Proyecto Conrado de la Cruz a pour objectif de fournir un appui et de contribuer à l'élimination et à la prévention du travail domestique des enfants et notamment des filles issues de milieux ruraux" dit Julián Oyales, directeur de Conrado de la Cruz et coordinateur du plan d'action du projet de l'OIT/IPEC.

Grâce à ce programme, Santa a recouvré sa santé physique et mentale, repris ses études et regagné suffisamment d'espoir pour pouvoir aller de l'avant. Elle a pu terminer ses études primaires dans le cadre des activités du programme. Intéressée par la promotion de la santé, elle a suivi une formation d'aide-soignante. Son intégration dans le groupe Conrado de la Cruz a donné une autre dimension à sa vie, lui ouvrant de nouvelles perspectives.

Santa a des qualités de meneuse et une capacité impressionnante de repérer les filles de son quartier qui vivent les souffrances qu'elle a vécues par le passé. Cela tient à ce qu'elle connaît le secteur où elle vit comme sa poche et repère très vite les filles en péril. En tant qu'animatrice du projet, elle a fait sienne la cause de Conrado de la Cruz et a ainsi pu venir en aide à des filles qui, par abandon ou désespoir de leurs familles, étaient contraintes de travailler.

Aujourd'hui, Santa a 15 ans et participe à la vie de l'association en tant qu'animatrice de groupe et aide au centre éducatif. Elle s'est formée à l'informatique et poursuit des études pour être aide-soignante. Santa incarne l'émancipation d'une femme qui, de victime, est devenue porte-drapeau d'une cause.