MLC, 2006

Inspecter les navires pour protéger les gens de mer: la convention du travail maritime à l’œuvre

Les inspections de navires sont essentielles pour veiller au respect de la convention du travail maritime, 2006, et garantir des conditions de vie et de travail décentes aux gens de mer. Le contre-amiral Luigi Giardino, de la Garde côtière italienne, explique comment sont menées ces inspections et ce à quoi elles aboutissent.

Communiqué de presse | 3 mai 2019
Dans le cadre des célébrations de son 100e anniversaire, l’OIT a invité tous les pays à soutenir les efforts déployés pour garantir un travail décent aux quelque 1,5 millions de gens de mer dans le monde. L’objectif de l’année du centenaire est d’atteindre 100 ratifications de la Convention du travail maritime (MLC, 2006), en 2019.

A ce jour, 93 pays ont ratifié cette «charte des droits» des gens de mer.

Les pays qui ont ratifié la MLC, 2006, doivent veiller à ce que les navires battant leur pavillon se conforment aux prescriptions de cette Convention. Ils ont également le droit d’inspecter tous les navires entrant dans leurs ports pour vérifier s’ils respectent les dispositions de la MLC, 2006, que ce soit de manière inopinée ou suite à une réception de plainte.

La MLC a changé la donne quand elle est entrée en vigueur. Personne ne pouvait prédire à quel point elle changerait le cours des choses pour les hommes et les femmes qui travaillent en mer, en faisant progresser la justice sociale et les normes minimales de travail décent pour les gens de mer. En cette année du centenaire de l'OIT, nous appelons les états qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la convention pour contribuer à créer de meilleures conditions de travail et un environnement de travail plus sûr pour les gens de mer du monde.»

David Heindel, porte-parole du groupe des gens de mer du Comité tripartite spécial pour la MLC 2006
Le contre-amiral Luigi Giardino s’est entretenu avec OIT Info au sujet des inspections.

OIT Info: Quand décidez-vous de procéder à l’inspection d’un navire?

Luigi Giardino: La décision d’inspecter un navire entrant dans un port italien est fondée sur le profil de risque du navire en question, l’existence d’une grave menace pour la sécurité du navire, ou un dépôt de plainte.

OIT Info: Combien de navires inspectez-vous chaque année?

Luigi Giardino: En 2018, l’Italie a effectué 1362 inspections de navires ayant fait escale dans ses ports ou venus mouiller dans ses eaux territoriales.

OIT Info: Quels sont les problèmes les plus graves que vous rencontrez et quelles sont les mesures immédiates qui sont prises?

Luigi Giardino: Parmi les graves problèmes constatés, je citerai l’absence de données attestant que les gens de mer ont reçu une formation et une certification garantissant leurs compétences ou qu’ils sont suffisamment qualifiés pour exécuter les tâches qui leur sont confiées. Il arrive aussi qu’on trouve des personnes âgées de moins de 16 ans qui travaillent à bord. Dans ce cas, le navire est immobilisé jusqu’à ce que la situation soit rectifiée.

La MLC est quelque chose dont les armateurs, les partenaires sociaux et les gouvernements peuvent être vraiment fiers. Elle est unique parmi les industries mondiales, établissant des normes décentes pour protéger nos gens de mer. Avec 93 ratifications à ce jour, ce serait vraiment quelque chose si nous pouvions atteindre plus de 100 ratifications lors de l’anniversaire spécial de l’OIT.»

Guy Platten, Secrétaire général, Chambre de commerce internationale des transports maritimes
OIT Info: Dans quels domaines rencontrez-vous le plus de problèmes?

Luigi Giardino: Nous constatons des problèmes en ce qui concerne principalement l’entretien des installations sanitaires; le mauvais état des cordages et des câbles; l’absence de protection pour les pièces pivotantes des machines; les problèmes électriques; et l’absence d’équipement de protection individuelle – ou, si cet équipement est disponible, il n’est pas toujours utilisé ou porté par les membres de l’équipage dans le cadre du fonctionnement normal du navire. Il s’agit là des cinq cas de figure les plus couramment rencontrés dans les 27 pays d’Europe, ainsi qu’en Russie et au Canada.

Mais l’on peut observer aussi tout un éventail d’autres défauts: nourriture insuffisante ou stockée à une température pas suffisamment basse; problèmes liés au chauffage, à l’air conditionné ou à la ventilation; niveau de propreté, en particulier dans la salle des moteurs, les postes de couchage, les toilettes ou les cuisines; défaut de paiement des salaires des membres de l’équipage, etc.

OIT Info: La fatigue des gens de mer est l’un des grands problèmes susceptibles de provoquer des accidents. Comment la détectez-vous?

Luigi Giardino: Nous examinons des éléments concrets qui permettent de voir si la MLC, 2006, est appliquée. Ainsi, nous comparons le registre des horaires de travail et des périodes de repos avec le livre de bord et le registre des exercices de manœuvre. Nous interrogeons aussi les membres de l’équipage, en particulier ceux des catégories inférieures, et nous constatons parfois que certains sont incapables de rester éveillés, qu’ils répondent lentement ou qu’ils ont des difficultés de concentration.

OIT Info: Parlons maintenant de l’état général du navire. S’il est en mauvais état, le signalez-vous?

Luigi Giardino: Des déficiences structurelles comme la corrosion, un matériel ou un système qui ne fonctionne plus convenablement en raison d’une mauvaise utilisation, des fissures ou des déformations peuvent compromettre la sécurité de l’équipage. Notre devoir est donc de les signaler, et nous accordons aux intéressés un délai pour qu’ils puissent y remédier.

OIT Info: Que se passe-t-il en cas de non-respect des dispositions de la MLC, 2006? Existe-t-il des sanctions applicables?

Luigi Giardino: Comme je l’ai indiqué, de graves manquements peuvent entraîner une immobilisation du navire. Les officiers de l’Etat du pavillon peuvent aussi retirer la certification ou appliquer des sanctions en fonction de la législation nationale.

OIT Info: Au fil des années, constatez-vous que la MLC, 2006, est mieux respectée?

Luigi Giardino: Oui, nous relevons moins de manquements. Je pense que l’industrie maritime a pris conscience que la ratification de la MLC, 2006, bénéficie à la fois aux gens de mer, aux armateurs, aux Etats du pavillon, aux Etats du port et aux Etats fournisseurs de main-d’œuvre. C’est dans l’intérêt économique de l’armateur de ne pas présenter de défaillances ou d’y remédier rapidement et efficacement lorsqu’elles surgissent. L’immobilisation d’un navire, ne serait-ce que pour quelques heures, a un coût élevé et peut entacher la réputation du navire.