Le travail des enfants en Asie: l'histoire de Thao

L'Asie et le Pacifique ont enregistré un déclin à la fois de la population enfantine et du nombre d'enfants économiquement actifs, mais seulement une très faible baisse des taux d'activité, selon le nouveau rapport global de l'OIT "La fin du travail des enfants: un objectif à notre portée". L'OIT estime que cette région compte le plus grand nombre d'enfants travailleurs parmi les 5-14 ans: ils sont 122 millions, dont 62 millions engagés dans des travaux considérés comme dangereux. Reportage de BIT en ligne depuis Djakarta, capitale de l'Indonésie.

Article | 4 mai 2006

DJAKARTA (BIT en ligne) - Thao a commencé à travailler comme domestique quand elle avait 11 ans. A la mort de son père, elle est venue à Djakarta avec sa mère pour chercher un travail de domestique. Elle a très vite trouvé un employeur à Bekasi, une banlieue de la capitale.

Dans un premier temps, Thao fut bien traitée. Mais, par la suite, son employeur est devenu de plus en plus dur avec elle. La petite fille a été l'objet d'un harcèlement constant et a subi des violences verbales. Elle n'avait pas été payée depuis plus d'un an et demi lorsqu'elle a appris l'existence du Centre pour les enfants domestiques géré par la Fondation indonésienne pour le bien-être des enfants (YKAI).

La fondation YKAI collabore avec le Programme international de l'OIT pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) pour prévenir et éliminer le travail domestique des enfants. Le Centre baptisé Sanggar Puri délivre une éducation non formelle et une formation professionnelle. Des travailleurs sociaux attachés au centre visitent aussi régulièrement les foyers dans les communautés locales afin d'identifier les enfants domestiques. Sur place, ils négocient avec leurs employeurs (généralement la maîtresse de maison) la permission pour les filles et les garçons, quand ils sont en congés, de visiter le centre et de bénéficier de son enseignement et de sa formation.

Les travailleurs sociaux ont pour but de soustraire les enfants à la domesticité. Cela nécessite une négociation avec les employeurs et avec les parents. Des bourses d'YKAI encouragent les parents à envoyer leurs enfants à l'école, même si cela ne fonctionne pas toujours.

Grâce à ce projet, il y a deux ans, Thao a pu en finir avec la domesticité. Aujourd'hui, elle est au collège. Bien qu'elle vive aujourd'hui seule avec sa plus jeune soeur et connaisse des difficultés financières, Thao a envie de poursuivre ses études.

"Je ne veux plus jamais travailler comme domestique", dit-elle. "Je préfère vivre seule avec ma soeur plutôt que vivre à Djakarta chez mon employeur."

Selon une étude socio-économique nationale menée en 2003, plus de 1,5 million d'enfants indonésiens de 10 à 14 ans travaillent et ne vont pas à l'école; 1,6 million d'autres ne vont pas à l'école et sont décrits comme aidant à la maison ou à d'autres activités.

"Une grande partie du travail des enfants se concentre dans les zones rurales où les enfants travaillent dans l'agriculture et les plantations. De très nombreux enfants sont aussi employés dans le travail à domicile, les travaux ménagers et les pêcheries", dit Alan Boulton, Directeur du Bureau de l'OIT à Djakarta.

Que peut-on faire?

Le Plan national d'action de l'Indonésie pour l'élimination des pires formes de travail des enfants identifie cinq priorités d'action: le trafic d'enfants, l'implication d'enfants dans la production manufacturée et le trafic de drogue, le travail des enfants dans les secteurs de la pêche, des chaussures et des mines.

Depuis décembre 2003, l'Indonésie applique son premier programme assorti de délai; il fait partie de son plan d'action lancé en 2004. Le pays travaille avec un large éventail d'acteurs pour lancer une campagne de sensibilisation sur ce thème et mettre en place des programmes pour aborder le travail des enfants.

Selon le rapport, il existe un lien étroit entre pauvreté et travail des enfants. L'expérience menée depuis quarante ans en Asie de l'Est et du Sud-Est est une excellente illustration de ce qui peut être fait pour mettre un terme à la pauvreté. Le développement de la sous-région a vu des pays tels que la Malaisie décoller économiquement dans les années soixante et pratiquement éradiquer la pauvreté (1 dollar par personne et par jour) et atteindre l'objectif de l'éducation universelle.

"Les exemples de la Malaisie, de la République de Corée, de la Thaïlande et de la Chine montrent que l'engagement politique pour réduire la pauvreté et étendre l'éducation a véritablement eu un effet sur l'élimination du travail des enfants", commente Guy Thijs, Directeur du Programme focal IPEC du BIT.

La Thaïlande a été l'un des premiers pays à rejoindre l'IPEC en 1992. En 1994, l'IPEC a aidé le gouvernement à mettre en place une Commission nationale d'organisation afin d'apporter une réponse au travail des enfants dans le cadre de ce qui est maintenant le ministère du Travail et du Bien-être social. En outre, l'IPEC a réussi à faire le lien avec plus de 170 agences, bien qu'il n'en soutienne directement qu'un peu moins de 50.

"Un important facteur contribuant au recul constant du travail des enfants a été le ferme engagement pris en 1992 par le Premier ministre, le premier élu démocratiquement en Thaïlande après une période de régime militaire, de mettre fin au travail et à l'exploitation sexuelle des enfants", explique Guy Thijs.

"Les Tigres d'Asie illustrent également le lien entre éradication de la pauvreté et élimination du travail des enfants. Au cours des vingt-cinq dernières années, la Chine a sorti plus de personnes de la pauvreté et mis plus d'enfants à l'école que tout autre pays. Il est tout à fait évident que cela a aussi un impact considérable sur le travail des enfants en Chine", a-t-il conclu.


Note 1 - La fin du travail des enfants: un objectif à notre portée, Rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Conférence internationale du Travail, 95e session, Genève, 2006.