L'économie du travail forcé

Le Directeur général de l'OIT exhorte à agir contre le travail forcé

Date de parution: 20 mai 2014 | Taille/durée: 00:04:27


Transcription:

La publication du nouveau rapport de l’OIT «Profits et pauvreté: l’économie du travail forcé» est importante parce qu’il fait franchir une nouvelle étape à notre compréhension de la traite, du travail forcé et de l’esclavage.

Le rapport s’appuie sur les études antérieures de l’OIT consacrées à l’ampleur, au coût et aux profits générés par le travail forcé et la traite des êtres humains.

Mais ce rapport se distingue des autres: il s’intéresse tout autant à l’offre qu’à la demande de travail forcé et fournit pour la première fois des preuves tangibles d’une corrélation entre travail forcé et pauvreté.

Qui plus est, il présente de nouvelles estimations surprenantes des profits illégaux générés par le recours au travail forcé dans diverses industries et secteurs économiques et par l’exploitation sexuelle à des fins commerciales.

Ces nouvelles estimations montrent que des progrès ont effectivement eu lieu. Le travail forcé imposé par l’Etat perd de l’importance. Bien sûr, nous devons rester vigilants pour prévenir toute résurgence de ce type d’exploitation.

Mais nous devons aussi nous efforcer de comprendre ce qui continue de motiver le recours au travail forcé et à la traite dans le secteur privé.

On estime que les profits obtenus grâce au recours au travail forcé dans l’économie privée s’élèvent à 149 milliards de dollars par an, dont 99 milliards proviennent de l’exploitation sexuelle commerciale tandis que 50 milliards sont générés par la traite à des fins d’exploitation économique, y compris le travail domestique, l’agriculture et d’autres activités économiques.

Si nous voulons avancer dans cette lutte, nous devons nous pencher sur les facteurs socio-économiques qui rendent les personnes vulnérables au travail forcé.
Nous devons comprendre le rôle de l’offre et de la demande et comment certains employeurs sans scrupule peuvent continuer d’engranger d’énormes profits en sous-payant les travailleurs ou en ne les rémunérant pas du tout.

Les socles de protection sociale doivent être renforcés pour éviter que les ménages ne tombent dans une pauvreté qui les entraîne vers le travail forcé.

Nous devons améliorer les niveaux d’éducation et d’alphabétisation afin que les personnes qui prennent les décisions au sein des ménages puissent prendre conscience de leur propre vulnérabilité au travail forcé et connaître leurs droits en tant que travailleurs.

Nous avons à affronter le fait que plus de la moitié des victimes sont des femmes et des filles, essentiellement dans l’exploitation sexuelle commerciale, et à réduire la vulnérabilité des hommes et des garçons, ainsi que le travail forcé dans d’autres secteurs.

Enfin, nous devons analyser comment les mouvements de population, soit à l’intérieur, soit au-delà des frontières internationales, contribuent au travail forcé, et élaborer et consolider une approche des migrations fondée sur les droits.

Nous pouvons aussi prendre un certain nombre d’autres mesures pour renforcer notre action. L’obtention de données standardisées en fait partie. Dans ce contexte, je veux féliciter les pays qui ont participé aux enquêtes qui forment la base de ce rapport. Je veux également féliciter la Conférence internationale des statisticiens du travail pour avoir préconisé la constitution d’un groupe de travail de statisticiens, d’économistes et d’autres experts pour collecter des données dans ce domaine, et c’est ce que nous avons l’intention de faire.

Mais les statistiques seules ne suffiront pas. Si nous voulons apporter un véritable changement dans la vie de 21 millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont toujours victimes du travail forcé, nous devons prendre des mesures concrètes et immédiates.

Premièrement, nous devons collaborer avec les gouvernements pour renforcer la législation, les politiques et leur application.

Deuxièmement, nous devons travailler avec les employeurs pour qu’ils fassent preuve de la diligence nécessaire dans leur combat contre le travail forcé dans leurs propres activités – y compris leurs chaînes d’approvisionnement – qui crée un environnement de concurrence déloyale. Et, troisièmement, nous devons nous associer aux syndicats pour représenter et émanciper ceux qui sont en danger.

La persistance du travail forcé est néfaste pour les victimes, pour les entreprises et pour le développement. C’est une pratique qui n’a pas lieu d’être dans notre société moderne. Il est temps d’agir de concert, d’éradiquer une fois pour toute cette pratique extrêmement profitable mais qui est aussi fondamentalement néfaste et source de honte.