Nicaragua

«Les contremaîtres du futur»

La Réunion régionale américaine de l’OIT entamera ses travaux la semaine prochaine à Lima, au Pérou. Il y sera question notamment de productivité, de lutte contre l’exclusion sociale, de compétitivité et d’économie informelle. OIT Info se penche ici sur la manière dont certaines de ces questions ont été traitées dans l’industrie de l’habillement à travers le programme conjoint de l’OIT et de l’IFC, Better Work Nicaragua.

Reportage | 10 octobre 2014
Miguel Alvarez / AFP
MANAGUA, Nicaragua (OIT Info) – Edgard Zuniga est fier d’évoquer avec nous sa difficile mission: «Pouvez-vous imaginer devoir soudain superviser jusqu’à 45 personnes sans expérience d’encadrement et sans avoir eu plus d’une ou deux heures pour les former?»

M. Zuniga leur apprend à superviser et à gérer un groupe de travailleurs. Il est formateur au sein du programme Better Work au Nicaragua dont le but est d’améliorer la compétitivité et les conditions de travail dans l’industrie textile du pays.

Avant de rejoindre Better Work en 2011, il était auditeur dans une société privée. «J’ai vu des travailleurs quitter leur usine parce qu’une autre offrait plus d’argent. Mais, très vite, ils sont revenus travailler dans leur usine d’origine. Quand je leur ai demandé pourquoi ils étaient revenus, ils m’ont dit que c’était parce que les contremaîtres y étaient meilleurs.»

M. Zuniga a découvert que les ouvriers n’évaluaient pas seulement leur emploi en termes financiers. «Ils souhaitent travailler dans des usines où les contremaîtres communiquent bien et les traitent avec le respect qu’ils méritent.»

Le formateur estime que former les quelque 2 000 contremaîtres en poste dans les usines de Better Work au Nicaragua est un défi de taille. En majorité, ce sont d’anciens ouvriers de production auxquels on a demandé, du jour au lendemain, d’assumer un rôle de contremaître.

M. Zuniga forme une nouvelle génération de superviseurs capables d’instaurer des relations constructives avec leurs ouvriers. Il fait partie d’une équipe de formateurs qui apprennent aux contremaîtres à écouter et motiver les travailleurs et à résoudre les conflits.

«Jusqu’à présent, nous avons couvert 11 des 26 usines qui participent au programme Better Work. Cette année, 264 contremaîtres ont été formés. C’est un bon début mais la tâche reste immense. En 2015, nous prévoyons d’en former 625 de plus.»

M. Zuniga et ses collègues devront identifier les «contremaîtres du futur», des ouvriers qui peuvent être formés pour devenir des contremaitres efficaces. «A long terme, notre stratégie vise à intégrer les compétences d’encadrement de manière permanente dans le tissu industriel du secteur textile nicaraguayen. L’idée est d’établir un réseau, afin qu’ils apprennent les uns des autres en permanence.»

Better Work Nicaragua, une initiative conjointe de l’OIT et de la Société financière internationale (IFC), le département de prêts et de conseils de la Banque mondiale, a démarré en 2011. Le programme aide les usines à améliorer leurs conditions de travail et à en tirer des bénéfices commerciaux grâce à ses services d’évaluation, de conseil et de formation. La formation des contremaîtres n’a débuté que cette année mais le programme a déjà apporté beaucoup de changements utiles sur les lieux de travail.

«Nous avons eu un contremaître qui recevait beaucoup de plaintes de la part des ouvriers. Après avoir participé à la formation, les réclamations ont cessé», a précisé M. Zuniga.

Les participants à la formation n’ont pas seulement fait état de meilleures relations entre contremaîtres et ouvriers mais aussi d’une hausse de la productivité. C’est pour cela que les contremaîtres ne sont pas les seuls à se réjouir de ce programme.

Promouvoir le travail décent dans la chaîne d’approvisionnement

Elena Arengo, coordinatrice de Better Work au Nicaragua, affirme que de grandes marques internationales comme Gap Inc., Levi Strauss & Co, Target, Wal-Mart, Gildan, Patagonia, Adidas, PVH and Li&Fung considèrent Better Work comme un allié pour promouvoir des conditions de travail décentes et durables dans les entreprises de leurs fournisseurs au Nicaragua.

En juillet dernier, lors de la réunion annuelle des représentants des marques, des entreprises locales et des syndicats dans la capitale Managua, les participants ont partagé ce point de vue.

Le président de la Chambre de commerce du Nicaragua, José Adán Aguerri, a souligné que Better Work avait initié un dialogue entre le gouvernement, les entreprises privées et les syndicats qui «plaçait le Nicaragua sur la carte du monde, celle de la compétitivité». «Il y a dix ans, le Nicaragua était l’économie à la plus faible croissance d’Amérique centrale, aujourd’hui elle a le taux de croissance le plus élevé de la région, après le Panama», a-t-il rappelé.

Luis Barbosa, un représentant syndical, a reconnu les progrès enregistrés depuis la signature d’un accord tripartite entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs sept ans auparavant: «Nous sommes parvenus à une grande stabilité sociale et avons créé des emplois.»

Aujourd’hui, avec plus de 70 000 employés, l’industrie textile est l’un des secteurs manufacturés les plus importants du Nicaragua en termes de création d’emplois et de chiffres d’affaires. Les exportations que l’on estime à 1,5 milliard de dollars par an au total sont principalement à destination des Etats-Unis.

En plus de la formation des contremaîtres d’usine, Better Work Nicaragua a formé les cadres et les ouvriers aux questions de communication, de sécurité incendie et de préparation aux situations d’urgence, ainsi que de sécurité et santé au travail. Avec le ministère du Travail et la Commission nationale de libre-échange, le programme a également organisé des expositions sur la sécurité et la santé afin de sensibiliser les travailleurs des usines textile et de leurs fournir des services.



Le programme Better Work au Nicaragua est financé par le ministère du Travail des Etats-Unis. La formation des contremaîtres dans les usines textile du Nicaragua a été financée grâce à la société Walt Disney. Parmi les autres grands donateurs du programme Better Work à l’échelle mondiale, figurent le gouvernement australien, le ministère néerlandais des Affaires étrangères, le secrétariat d’Etat suisse à l’Économie et la Fondation Levi-Strauss.