Réduire la pauvreté grâce au tourisme (Questions-Réponses)

Les Pays les moins avancés (PMA) peuvent s’appuyer sur une série de politiques pour mener à bien leur agenda de réforme structurelle et de travail décent. Lors de la quatrième Conférence des Nations Unies sur les pays moins avancés, qui doit se tenir à Istanbul du 9 au 13 mai 2001, un événement spécial va présenter l’Hôtellerie-restauration et le tourisme (HRT) comme l’un des secteurs économiques les plus dynamiques au monde, capable de contribuer au développement social et économique, ainsi qu’à la réduction de la pauvreté, dans les PMA. BIT en ligne s’est entretenu avec Wolfgang Weinz, spécialiste du tourisme et de l’hôtellerie au sein du Département des activités sectorielles du BIT.

Article | 3 mai 2011

1) Quelle est la part de l’industrie touristique dans l’économie mondiale?

Wolfgang Weinz: En 2010, le tourisme et les voyages auront généré environ 9,3 pour cent du PIB mondial. Les investissements touristiques représentent 9,2 pour cent des investissements mondiaux. Qui plus est, le secteur continue d’accroître son volume d’activités. Les arrivées de touristes internationaux ont augmenté de 4,3 pour cent par an entre 1995 et 2008. Nous ne devons pas non plus ignorer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement du secteur: la création d’un emploi dans l’industrie HRT de base s’accompagne de la création de1,5 emploi supplémentaire dans les secteurs connexes. En 2010, l’économie mondiale du secteur emploie plus de 235 millions de personnes – en d’autres termes, elle représente aujourd’hui 1 emploi sur 12,3 dans le monde.

2) Que représente-t-elle dans les PMA?

Wolfgang Weinz: Les arrivées touristiques dans les PMA ont triplé entre 1998 et 2008. Le secteur a progressé en moyenne de 13 pour cent par an, avec des revenus touristiques qui sont passés de 1 à 5,3 milliards de dollars. Parmi les PMA, 30 pays sur 49 ont choisi le tourisme comme principal moteur de croissance et de développement; le tourisme international figure parmi les trois principaux pourvoyeurs de devises. Le tourisme est le premier exportateur de services dans les PMA, représentant 33 pour cent de leurs exportations.

3) Comment le tourisme peut-il contribuer au développement socio-économique?

Wolfgang Weinz: C’est un secteur à forte intensité de main-d’œuvre et une source importante de développement et d’emploi, surtout pour ceux qui ont un accès limité au marché du travail, comme les femmes, les jeunes, les travailleurs migrants et les populations rurales. Le secteur de l’hôtellerie et du tourisme dispose d’un potentiel considérable pour réduire la pauvreté en fournissant un grand nombre d’emplois aux travailleurs qui ont peu ou pas de formation structurée. Il offre des débouchés à ceux qui souffrent d’un désavantage social ou d’un déficit de compétences, ce que n’offrent pas toujours les autres secteurs d’activités.

4) Les femmes et les enfants bénéficient-ils particulièrement de l’expansion du secteur touristique?

Wolfgang Weinz: Les femmes représentent de 60 à 70 pour cent de la main-d’œuvre du secteur HRT. L’emploi des jeunes est aussi important dans le secteur puisque la moitié de la main-d’œuvre du tourisme a moins de 25 ans. Malheureusement, nous pouvons constater un écart entre les qualifications et la réalité du monde du travail pour les travailleuses et les jeunes travailleurs. Les femmes sans qualifications ou semi-qualifiées occupent généralement les emplois les plus vulnérables, dans lesquels elles risquent d’être confrontées à de mauvaises conditions de travail, à l’inégalité des chances et de traitement, à la violence, à l’exploitation, au stress et au harcèlement sexuel. Elles souffrent aussi de ségrégation en termes d’accès à l’éducation et à la formation. Les femmes gagnent en moyenne 25 pour cent de moins que les hommes ayant le même niveau de compétences.

5) Qu’en est-il des conditions de travail prévalant dans le secteur?

Wolfgang Weinz: Le secteur prospère dans un environnement où les relations entre employeurs et travailleurs, le dialogue social, la formation qualifiante et des conditions de travail décentes sont indispensables pour fournir un service de qualité et forger un tourisme durable. Néanmoins, les conditions de travail se caractérisent fréquemment par des horaires de travail excessifs, irréguliers ou décalés, des services d’astreinte, des contrats précaires, temporaires, saisonniers et à temps partiel qui vont de pair avec de l’insécurité, des rémunérations comparativement faibles, une instabilité de l’emploi, des perspectives de carrière limitées, un haut niveau de sous-traitance et une rotation rapide du personnel.

6) Comment garantir que le tourisme soit bénéfique pour l’économie locale?

Wolfgang Weinz: Bien que le secteur puisse être un facteur de développement social grâce à son fort potentiel de création d’emplois locaux, ses entreprises s’engagent souvent dans des relations commerciales avec des fournisseurs étrangers, plutôt que de développer des liens avec les fournisseurs locaux. Pour la plupart des pays en développement, ces «fuites» des dépenses et des recettes touristiques atteignent 40 à 50 pour cent des recettes brutes du tourisme et entre 10 et 20 pour cent pour les pays développés et divers pays en développement. Elles pourraient être colmatées grâce à des stratégies nationales efficaces et à un cadre réglementaire qui s’appuierait sur le développement local. Il faudrait intensifier la collaboration entre les entreprises touristiques et les gouvernements locaux afin d’établir des règles et des politiques concernant les chaînes d’approvisionnement locales.

7) Cela requiert-il un dialogue plus efficace entre gouvernements, employeurs et travailleurs?

Wolfgang Weinz: Aux côtés d’un système bien géré d’évaluation du personnel au sein des entreprises, ce dialogue permettrait d’offrir aux travailleurs à tous les niveaux un processus de développement des compétences mieux ajusté aux besoins des entreprises et des individus à titre individuel. Les gouvernements jouent un rôle essentiel: ils élaborent les stratégies et les programmes de développement, les politiques en matière d’infrastructures, d’éducation et de formation; ils font respecter les exigences relatives à la sûreté, à la sécurité et à l’hygiène, et aux conditions de travail. Leurs politiques devraient aussi évaluer et contrôler l’impact du tourisme sur l’environnement, encourager la filière à se financer localement et à réduire sa dépendance à l’égard des produits importés, promouvoir la propriété locale et l’emploi rural, renforcer la collaboration et la communication entre l’industrie touristique et les communautés locales, faire face aux pénuries actuelles de main-d’œuvre, et surtout s’attaquer aux mauvaises conditions de travail et éradiquer le travail des enfants là où il existe encore.

8) Quel est le rôle de l’OIT dans ce processus?

Wolfgang Weinz: Le Département des activités sectorielles du BIT s’attaque aux problèmes les plus aigus du secteur HRT en vue de promouvoir l’amélioration des conditions de travail et des relations professionnelles, de favoriser la ratification et la mise en œuvre effective des normes et outils du secteur, d’augmenter la base de connaissances sur les tendances et les enjeux au niveau du secteur grâce à la coopération technique, aux programmes d’action et aux réunions. La convention (n° 172) sur les conditions de travail dans les hôtels-restaurants, 1991, et la recommandation n° 179 fixent les normes minimales pour améliorer les conditions de travail, la formation et les perspectives de carrière du secteur.

En 2007, l’OIT et l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) ont signé un accord de coopération pour renforcer les capacités et les activités des deux agences de l’ONU dans ce domaine. L’OIT prépare une boîte à outils sur la réduction de la pauvreté grâce au tourisme, qui sera disponible à l’automne 2011. Elle aura pour but d’aider les pays en développement et les pays les moins avancés à créer une industrie touristique durable et des activités basées sur l’emploi décent.