« 100 Ans – 100 Vies » | ETHIOPIE - “J’ai toujours voulu produire sur place et vendre dans le monde entier”

Une jeune et talentueuse cheffe d’entreprise éthiopienne qui a bénéficié d’une formation de l’OIT explique comment elle est parvenue à mobiliser des moyens disponibles localement pour créer une marque mondiale à succès.

Reportage | Ethiopie | 31 juillet 2019
ADDIS ABABA – «Les débuts ont été assez simples. Nous nous sommes autofinancés. Cinq ouvriers et moi travaillions dans un atelier implanté sur un terrain appartenant à ma grand-mère, dans notre village de Zenabwork », se souvient Bethlehem Tilahun Alemu, nouvelle Présidente directrice générale de soleRebels, l’une des premières marques de chaussures issue d’un pays en développement.

« Depuis le début, en 2004, nous avions pour objectif de créer, développer et gérer une marque de chaussure de classe mondiale, capable de générer des emplois et d’apporter la prospérité aux travailleurs en mettant à profit les talents artisanaux locaux, » explique-t-elle.

Bethlehem Tilahun Alemu, 34 ans, est née et a grandi à Zenabwork, un quartier défavorisé et marginalisé des faubourgs d’Addis-Abeba. Sa mère et son père, respectivement employés comme cuisinière et électricien, ont eu une forte influence sur cette jeune femme qui fut récemment nommée « jeune leader mondial » par le Forum économique mondial et Ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour l’entreprenariat.

Aujourd’hui, son entreprise de « commerce équitable » vend des chaussures dans de nombreux points de vente à travers l’Europe et l’Asie et emploie plus d’une centaine de travailleurs locaux, qui sont rémunérés 3 à 5 fois plus que la moyenne du secteur.

« Certaines personnes qui ont commencé chez nous comme apprentis, touchant une modeste indemnité d’environ 900 birrs (45$), gagnent aujourd’hui plus qu’un médecin », explique-t-elle.

Créer des emplois, autonomiser les populations

Avant de lancer son entreprise, Bethlehem Tilahun Alemu – que l’on désigne aussi par ses initiales « BTA » – est allée à l’Université Unity d’Addis-Abeba et a collaboré avec diverses sociétés dans les domaines du cuir et de l’habillement.

Après avoir travaillé dans le secteur privé pendant un certain temps, elle a développé un profond désir d’orienter ses compétences commerciales vers la population locale.

« Je savais qu’il y avait énormément de gens talentueux capables de faire de grandes choses pour peu qu’on leur en donne l’occasion. Toutefois, en raison de l’extrême pauvreté, de l’ostracisme et de la marginalisation (…) beaucoup d’entre eux n’arrivaient pas à décrocher le moindre emploi. Cela m’a beaucoup contrariée parce que j’ai grandi avec eux. Ils étaient mes voisins, des membres de ma famille. »

«C’est pourquoi nous avons toujours dit que cette société devait chercher à tirer le meilleur des talents locaux et des ressources disponibles sur place afin de créer des emplois rémunérateurs et de créer des chaussures extraordinaires », ajoute-t-elle.

« BTA » a également rejoint l’équipe de direction de l’Association éthiopienne des femmes exportatrices. Entre 2007 et 2011, la jeune cheffe d’entreprise et ses collègues ont pu bénéficier de formations de l’OIT sur des thèmes comme la gestion d’entreprise, la participation à des expositions ou des foires commerciales et l’élaboration de plans stratégiques pour l’Association.

L’intervention de l’OIT leur a donc permis d’accroître leurs compétences et de renforcer leur efficacité.

Leader depuis l’Ethiopie

Nommée l’une des douze meilleures femmes chefs d’entreprise du siècle par CNN, BTA savait que ses premiers modèles de chaussures (inspirés des sandales traditionnelles que portaient les soldats éthiopiens luttant contre l’occupation coloniale) devaient faire preuve de créativité.

Les chaussures sont élaborées à partir de matériaux inhabituels, tels que des pneus recyclés, du coton biologique, du jute ou du chanvre. Elles sont fabriquées à la main, grâce à des procédés de production à faible intensité technologique, sans aucune émission de carbone.

« J’ai voulu démontrer qu’il était possible d’être originaire d’Ethiopie, d’Afrique et de réussir à l’échelle mondiale », souligne-t-elle. « Il est possible d’exploiter des ressources locales tout en créant une marque mondiale de premier plan et de le faire à partir de rien. »

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