« 100 Ans – 100 Vies » | ETHIOPIE - “Rien n’est mieux que de travailler dans son pays”

Comment une travailleuse domestique éthiopienne a pu trouver une alternative à la migration après avoir suivi un programme de formation de l’OIT.

Reportage | Ethiopie | 31 juillet 2019
ADDIS-ABEBA - Tsehay Berhane1, 31 ans, est l’heureuse propriétaire de deux salons de coiffure dans la capitale éthiopienne. Elle est perpétuellement en mouvement, en quête de serviettes à plier, de bigoudis à réparer et de déchets à jeter.

Elle est l’une des quelque 1 400 anciennes travailleuses domestiques émigrées, formées dans le cadre d’un programme de l’OIT de réinsertion des rapatriés.

Son sourire radieux masque cependant les épreuves qu’elle a endurées quand elle a décidé d’émigrer pour trouver un travail il y a 14 ans.

« J’ai décidé de partir quand j’étais encore au lycée. A cette époque, la plupart de mes amies étaient parties travailler dans les pays arabes. Je voulais suivre leur exemple et subvenir aux besoins de ma famille », explique-t-elle.

Une agence a mis la jeune fille de 17 ans en contact avec une famille au Liban qui l’a embauchée comme employée de maison. Hélas, elle a perdu son travail cinq ans plus tard et décida alors de rentrer dans son pays d’origine.

De retour en Ethiopie, elle est restée pendant deux mois auprès de sa famille avant de décider de s’expatrier à nouveau. Elle a trouvé un agent qui l’a envoyée à Dubaï, où elle a travaillé dans une famille nombreuse.

Au bout d’un an, épuisé par la charge de travail, Berhane a fini par quitter son employeur.

Elle a rejoint d’autres travailleuses domestiques éthiopiennes qui avaient, elle aussi, fui les familles dans lesquelles elles travaillaient. La difficulté principale à surmonter était de devoir jouer à cache-cache avec la police parce que ses papiers n’étaient pas en règle.

Elle mena cette vie pendant trois ans jusqu’à ce que la police n’investisse l’endroit où elle vivait. Berhane fut arrêtée, ainsi qu’une vingtaine d’autres émigrées éthiopiennes.

Après avoir été libérée, elle a décidé de rentrer en Ethiopie une bonne fois pour toutes. Quand elle est arrivée à l’aéroport d’Addis-Abeba, elle n’avait rien d’autre que les vêtements qu’elle portait.

Changement de cap

De retour chez elle, elle a appris l’existence d’un programme de formation de l’OIT qui apportait un soutien aux rapatriés par l’intermédiaire d’une ONG locale.

« Dans un premier temps, la formation ne semblait pas très utile. Je n’avais pas pris les formateurs au sérieux quand ils nous avaient dit que tout progrès dépendait de notre état d’esprit. Mais j’ai tout de même continué la formation professionnelle à la création d’entreprise ».

Elle a alors suivi une autre formation pour devenir coiffeuse et a finalement ouvert un petit salon de coiffure. Peu après, Mme Berhane a remporté deux concours d’entreprenariat et de créativité organisés par le projet soutenu par l’OIT et a utilisé le montant des prix pour investir dans son affaire.

Aujourd’hui, elle possède deux salons et emploie quatre personnes. Pour cette jeune cheffe d’entreprise ambitieuse, la prochaine étape consistera à faire un emprunt pour ouvrir une boulangerie.

“Le changement commence dans votre esprit”

« Ils avaient raison, le changement commence dans votre esprit. Rien n’est meilleur que de travailler dans son pays. Maintenant, je peux mettre de l’argent de côté et je sais où je vais ».

Selon Aida Awel, de l’OIT, le programme n’a pas seulement changé l’état d’esprit et la conscience des responsables gouvernementaux et des populations. Il a, entre autres, permis de renforcer les mesures anti-traite ; d’instaurer des contrats de travail normalisés pour les travailleurs migrants ; de créer six centres de ressources pour les migrants qui aident les candidats à l’émigration à prendre une décision éclairée quant à leur éventuelle migration.

« Cela a également permis de développer un système de gestion en ligne des données relatives aux migrants éthiopiens qui va permettre de mieux administrer les dossiers sur les travailleurs partant à l’étranger et sur les migrants de retour au pays », a-t-elle ajouté.

Mme Berhane est l’une des 1 062 rapatriés qui gagnent maintenant leur vie grâce à un emploi salarié ou à un emploi indépendant. A l’origine, le programme concernait 1 397 migrants rapatriés du Moyen-Orient et du Soudan.

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